Actualité :

L’Abri
Exposition personnelle
La Ligne bleue
13 rue Albéric Deguiral
24200 Carsac-AIIiac
15 avril – 10 juin 2023
https://www.culturedordogne.fr/l-actualite/item/8892-erwan-venn.html

https://dda-nouvelle-aquitaine.org/IMG/pdf/tireapart_erwanvenn.pdf

Cosmos de marchandise
wall drawing, fusain.
Dimensions variables
2006-2023
https://vimeo.com/manage/videos/819942527

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Erwan Venn
L’Abri
Dessin

L’exposition de dessin présentée à Carsac-Aillac est une invitation de l’Agence Culturelle Dordogne Périgord à l’occasion de l’année du dessin contemporain.

Le rôle du dessin est largement accepté comme l’élément de base de la construction du regard, de la construction de soi. A la fois analytique, d’imagination, de signe, de coloriage ou vectoriel, le dessin occupe maintenant une place majeure dans les pratiques contemporaines, qu’elle soit graphique, plastique ou numérique. Traduisant la pensée immédiate autant qu’une réflexion aboutie, le dessin s’envisage comme l’outil des possibles.

L’exposition présentée à la Ligne bleue est un ensemble de dessin qui recouvre l’ensemble des pratiques du dessin d’Erwan Venn, elle s’articule en trois temps : la guerre, la maison, la paix.

La guerre est un ensemble de dessin de blockhaus réalisés à partir des restes du mur de l’Atlantique. Les ouvrages de béton de la Seconde Guerre mondiale étant envisagés comme des monuments de la mémoire traumatique de la guerre de haute intensité de 1944, pour reprendre le terme employé pour le conflit ukrainien ; et vient faire écho aux bouleversements en cours (crise climatique, guerre, incendie…).

La maison est un « wall drawing » réalisé en deux temps, d’abord effectué en dessin vectoriel, avec l’aide d’un logiciel de dessin, Erwan Venn reproduit, à l’aide d’un vidéoprojecteur, l’ensemble du dessin vectoriel au fusain. Ce dessin mural représente la maison des parents d’Erwan Venn, maison pavillonnaire des années 1970 située dans ce Morbihan rural. Son titre « Cosmos de marchandise », emprunté à un livre de Luc Boltanski & Arnaud Esquerre1 représente l’ensemble des objets dont se souvient l’artiste, une sorte d’exercice à la Georges Perec, un paysage mental des objets industriels de la fin du XX°siècle. Erwan Venn réalise ce dessin mural éphémère qui fait écho aux fresques de Lascaux, situées à quelques km de Carsac-Aillac ; ainsi il rejoue le dessin vectoriel, y ajoute sa sensibilité là où le trait numérique n’exprime pas d’émotion. « Cosmos de la marchandise » occupe le grand mur de la ligne bleue.

La paix est un ensemble de nouveaux dessins autour de l’hétérotopie, concept forgé par Michel Foucault autour des espaces autres : les cabanes, les jeux d’enfants, les espaces du rêve, les jouets. Ces espaces indispensables à l’élaboration d’une imagination créative où rêver permet de travailler. Faire des cabanes, pour reprendre les mots de Marielle Macé2, pas pour se retirer du monde, s’enclore, s’écarter, tourner le dos (…) mais pour faire face autrement.

Ce transfert de temps passé qu’est le dessin, cette activité première, pour ne pas dire vitale, est l’un des rares espaces de création immédiate, sans prisme. Cette activité d’enfant, indispensable à l’observation du monde afin de s’en saisir symboliquement, conduit l’artiste à penser que dessiner c’est regarder.

« Une photo de Duchamp de 1945 est à un mètre et me regarde. Il dit, ce regard à tous, surtout aux jeunes : Qui es-tu ? Qu’apportes-tu ? Je la connais dans les coins. Pas de chichis. Sois franc. Réponds. Sers-toi de petits mots, bien pleins. Cherche toi. Trouve toi. Sois toi. Ne marche pas pour ce qui fait courir les autres. Evite toute espèce de troupeau. Ne répète jamais, malgré les bis. N’avale pas des morceaux d’autrui ; ça se digère mal et ça se remarque. Amuse-toi, sinon tu nous ennuies. »
H.P. Roché in Duchamp joue et gagne.

  1. Luc Boltanski & Arnaud Esquerre, Enrichissement, une critique de la marchandise, édition Gallimard, 2017.
  2. Marielle Macé, Nos cabanes, édition Verdier, 2019.

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Atravessar

Sur une idée d’Élise Girardot, le projet Atravessar est un groupe de recherche formé par un artiste et une commissaire Français.e.s et une artiste et une commissaire Brésilienne :

Élise Girardot, curatrice, Bordeaux. Erwan Venn, artiste, Bordeaux.
Gê Viana, artiste, São Luís. Daniela Labra, curatrice, Rio/Berlin.

A partir d’un papier peint panoramique, d’objets d’art, d’architecture, d’archives, de récits de voyages, des témoignages et des rencontres, ce quatuor a croisé les héritages coloniaux en étudiant l’Histoire et les enjeux des colonisations portugaises et françaises sur le territoire de Rio, et, sur un même principe, les stigmates d’échanges coloniaux à Bordeaux et La Rochelle, cités ouvertes sur l’Atltantique.

Mars 2022 (4 semaines)
Résidence et recherches à Bordeaux et La Rochelle.
Lieux de résidence :
CAPC, musée d’art contemporain de Bordeaux Le Centre Intermondes à La Rochelle, musée du Nouveau Monde, La Rochelle.

Avril 2022 (4 semaines)
Résidence et recherches au Brésil. Lieu de résidence :
EV Largo à Rio de Janeiro

Printemps 2023
Restitution de la recherche collective : édition

http://bam-projects.com/project/atravessar/


Prefeitura do municipio de Sao Paolo
Aquarelle sur papier Arches 300gr
190 x 110 cm
Erwan Venn © 2022

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Sous le velours noir des paupières
28 octobre 2022 – 12 août 2023
Maxime Bichon | Delphine Coindet | Grégory Durviaux | Dominique Gonzalez-Fœrster | Charlotte Houette | Jacob Kassay | Chrystèle Lerisse | Myriam Mechita
(visuel) | Myriam Mihindou | Vera Molnar | Jean-Luc Moulène | Bruno Petremann | Jean-Pierre Raynaud | Pierre Savatier | Georgina Starr | Umbo | Erwan Venn
œuvres de la collection du FRAC Poitou-Charentes

Fonds Régional d’Art Contemporain Poitou-Charentes
site d’Angoulême

63 bd Besson Bey | 16000 Angoulême
05 45 92 87 01

https://www.frac-poitou-charentes.org/pages/actualites_FRAC.html

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Le corps historique

« Attaqué par le réel sur tous les fronts, refoulé de toutes parts, me heurtant partout à mes limites, je pris l’habitude de me réfugier dans un monde imaginaire et à y vivre, à travers les personnages que j’inventais, une vie pleine de sens, de justice et de compassion. »
Romain Gary, La promesse de l’aube, 1960.

D’emblée, la trajectoire d’Erwan Venn s’appréhende par le prisme mémoriel. L’Histoire tapisse les murs de l’atelier couverts d’ouvrages et de revues faisant référence aux conflits européens du XXe siècle. Pourtant, si les archives deviennent le support préalable à la plupart des travaux de l’artiste, un sujet apparaît en filigrane, série après série. Le corps semble omniprésent : un corps morcelé, un corps métaphorique parfois. Sous une tente à oxygène, Erwan Venn développe très tôt ses stratégies de résistance ; il choisit le rêve comme arme invisible. Longtemps indien d’Amérique ou cosmonaute, il chevauche les plaines de son imaginaire en approchant peu à peu la mémoire familiale. Les insuffisances respiratoires qui le hantent depuis les années 1970 matérialisent les secrets qu’il tentera de percer, via sa pratique artistique.

Si le corps constitue un seuil qui délimite l’intériorité des individus, il est aussi un objet historique traversé par des strates mémorielles, sociales, économiques, politiques et culturelles. Il concentre des temporalités étendues, bien au-delà du temps présent. De même, l’Histoire peut être perçue comme un long corps mouvant, modelé par les combats multiples de la maladie. Depuis 2013, dans une série consacrée au mur de l’Atlantique, Erwan Venn choisit la délicatesse du dessin pour représenter les ouvrages de fer et de béton construits pendant la Seconde Guerre mondiale. Devenues des constructions mentales, verrues monstrueuses d’une Histoire irrésolue, les blockhaus jalonnent les côtes ensablées. À ces architectures de l’horreur, il oppose la beauté des paysages littoraux et la légèreté du trait de la mine graphite. Pour Erwan Venn, le dessin précède toute expérience artistique. En 2011, il efface les corps des photographies familiales prises par son grand-père paternel (sympathisant Breiz Atao1) et utilise en guise de pinceau numérique un logiciel informatique. Les corps ôtés font place à un vide re-dessiné par l’artiste ; les fantômes de la série Headless dévoilent les traumas d’une Histoire bretonne étouffée, celle de la collaboration avec les nazis. Ce travail cristallise un questionnement autour du point de vue. Erwan Venn reprend celui de son grand-père caché derrière l’objectif et se ré-approprie les images de propagande religieuse ou politique. Le corps devient le pivot de l’entreprise artistique ; la démarche allie à la déconstruction du récit historique une ré-écriture mémorielle. Plus tard, au printemps 2020, il achève pendant la crise sanitaire cinquante-sept aquarelles. Intitulée 44 jours au printemps, la série laisse transparaître sous forme chronologique la déliquescence ambiante de la bataille de mai 1940. La dissolution de l’aquarelle dans l’eau résonne par touches grisâtres et brunes avec la débâcle généralisée qui annonce le déclin de l’empire colonial.

Dans un même mouvement visant à dénouer les contradictions dissimulées de nos troubles historiques, l’enfance apparaît comme un thème majeur. Erwan Venn se demande sans relâche comment les doctrines pétrissent le regard des enfants. À travers la série des Petits bretons entamée en 2009, il inverse le processus d’Headless : les corps des salles de classe des années 1910 sont évincés au profit des visages. Leurs yeux évidés rappellent le film Le Village des damnés2. Depuis 2018, des petites filles aux joues livides ou gonflées sont affublées de coiffures grotesques. Erwan Venn analyse l’hyper-hiérarchie exercée sur ces corps manipulés par les pouvoirs autoritaires. Il traduit l’expérience de générations d’enfants soumis au dogme. Le propos s’étend de la mémoire individuelle à la mémoire collective. 

En 2019, l’artiste voyage au Brésil ; première aventure extra-européenne qui catalyse une nouvelle recherche. La végétation luxuriante rencontre les stigmates déroutants d’une colonisation encore visible. Ces observations lui rappellent tantôt une marine accrochée dans le salon familial (commandant de navire, son aïeul assurait au XIXe siècle la ligne Le Havre – Recife), tantôt les rythmes des batucadas découverts aux Beaux-Arts de Rennes. Les influences musicales et cinématographiques issues des subcultures ponctuent une œuvre protéiforme forgée par les cultural studies. Dans les années 1980, Erwan Venn s’affranchit définitivement du folklore breton pour s’immerger avec délectation dans les concerts de musique post-punk ou la revue Métal hurlant. Il se fabrique alors les contours d’une liberté nouvelle, à l’image de la série de vidéos Destroy Wallpaper (2003-2011). Métaphores de l’idéologie dominante, les papiers peints surchargés de son enfance rencontrent les vibrations des synthétiseurs électroniques.

Animé par l’émancipation du corps physique et historique, Erwan Venn débute fin 2020 un projet avec le CNES3 sur les archives de la base de Kourou. Dans une forme de continuité critique avec la peinture d’Histoire, l’artiste s’apprête à révéler, à nouveau, les ressorts d’histoires enfouies. 

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1. Le terme désigne les autonomistes bretons durant l’entre-deux-guerres.

2. Village of the Damned est un film de science-fiction britannique réalisé en 1960 par Wolf Rilla. 

3. Centre National d’Études Spatiales.

Élise Girardot, novembre 2020.

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Video arte :

https://www.arte.tv/fr/videos/074719-022-A/erwan-venn/



All images © ADAGP / Erwan Venn